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souvenirs...
16 septembre 2010

Premières années (la guerre)

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Je n'avais que sept mois quand éclata la seconde guerre mondiale.  Elle est donc la toile de fond de mes premiers souvenirs d'enfance : les avions, forteresses volantes et "deux queues",  qui passaient la nuit au dessus de chez nous,  les claquements de la DCA toute proche qui nous faisaient sursauter... Nous couchions au sous-sol par crainte des bombardements, moi dans un petit lit de fer qui avait dû servir à mes soeurs auparavant.  J'étais malade, je m'étais réveillé tout fiévreux, nous étions plongés dans l'obscurité, je m'étais mis à pleurer.  Ma mère était venu à tâtons pour me calmer.
Puis au fil des années d'occupation ce sont nos jeux dans la vieille voiture de mon père immobilisée au garade  devenue notre jouet car on nous y laissait faire ce que nous voulions, les bruits de bottes des Allemands quand ils défilaient, la réquisition qu'ils firent des vélos.  Nous en avions deux mais ils y échappèrent grâce à l'a propos de mon père qui leur fit remarquer en allemand (appris un peu en captivité à la fin de la guerre 14) que c'étaient des vélos de femme, cet éclat d'obus petit mais tombant de haut qu'une de mes soeurs avait reçu sur la tête heureusement amorti par l'épaisseur de ses cheveux mais quelle frousse ! Enfin pour abréger et avant que n'arrive la Libération de notre pays ce souvenir plus particulier : Mes grands parents maternels habitaient à côté de chez nous et j'y allais souvent.  Ils avaient dû héberger quelque temps un officier allemand car leur maison était assez grande avec un étage et ils n'étaient plus que tous les deux à l'occuper. Ils mirent l'Allemand dans une chambre du haut.  Un jour qu'il m'avait surpris chez eux il s'était arrêté devant moi, m'avait passé la main dans les cheveux puis sortant de son portefeuille une photo d'enfant il n'eut pas de peine à faire comprendre à mes grands parents que je venais de lui rappeler son fils.  Il m'avait donné un rouleau de pastilles multicolores que j'avais ramené fièrement à la maison mais en apprenant qui me l'avait donné mes parents ne voulurent pas que j'y touche et le jetèrent.  Qu'avait-il pu me raconter pour expliquer ce geste, je ne m'en souviens plus mais n' importe qui aurait fait comme eux à l'époque.  On disait tant de choses sur les soldats allemands, entre autres qu'ils violaient les jeunes filles et empoisonnaient les enfants.  Je ne pouvait comprendre évidemment et j'en eus du chagrin.   Aujourd'hui que j'évoque ce souvenir resté très précis je me dis  une fois de plus : Quelle saloperie, la guerre !... Cet homme souffrait de l'absence de son petit garçon comme tant d'autres et dans les deux camps et il venait de retrouver à travers moi comme un peu de sa présence.  Plus question de boche, de françouze, seulement un homme et un enfant, l'un en face de l'autre.  Pouquoi m'aurait-il donné un serpent à manger ?...
Mais ce qu'il y eût de pire, de terriblement troublant, c'est qu'il s'en trouva des hommes comme celui là, bon époux, bon père de famille, parmi ceux qui en représailles de sabotages commis dans la région poussèrent à coup de crosse femmes, enfants et vieillards dans l'église d'un petit village les mitraillant jusqu'au dernier avant d'y mettre le feu... exemple parmi d'autres ... " Ah que maudite soit la guerre qui fait faire de ces coups là, qu'on verse dans mon verre du vin de Marsala ..." refrain d'une vieille chanson que chantait mon père. Plus tard lors d'une autre guerre, de l'autre côté de la Méditerranée , j'eus, comme d'autres, l'occasion d'être interpellé par cet aspect assez effrayant que cache parfois la nature humaine. Je devais d'ailleurs en garder la plus grande horreur de la guerre, du fanatisme, de toute violence physique ou morale.
Arriva la Libération, ce fut une explosion de joie en tricolore.  Les femmes et les jeunes filles portaient des robes, jupes ou chemisiers à rayures tricolores, les hommes et les enfants de petit rubans tricolores au revers du veston ou à la chemise.  Tous les drapeaux si longtemps cachés dans les greniers étaient à toute les fenêtres et nous, les gosses, agitions de petits oriflammes de papier.  On se rendait visite entre voisins et amis, nous étions allés tous ensemle à la ville revoir une famille amie de mes parents qu'ils n'avaient pas revue depuis bien longtemps.  Ma mère avait emporté le frichti, mon père avait fait des photos et je me rappelle que tout le monde était heureux. 
On parlait aussi de femmes tondues, trainées dans les rues sous les huées, les crachats et pire.  L'ombre au tableau de ces jours de liesse populaire. Les filles à soldats sont de toutes les guerres mais enfin il y en eut d'autres, tout bonnement victimes du petit dieu aveugle qui n'avait pas choisir le bon camp pour y faire naître l'Amour.  Un homme un enfant, un homme et une femme, même constat.  Que maudite soit la guerre.    

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