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souvenirs...
15 septembre 2010

immédiat après guerre

LouisFromentMoto

La guerre finie, la vie reprit peu à peu son cours normal.  Mon père dût abandonner le jardinage ce qu'il regretta car  toutes ces années de restrictions avaient fini par lui en donner le goût (et aussi le savoir faire) pour reprendre ses affaires. Et pour celà il avait besoin de cette voiture remisée au sous sol et qui servait un peu de débarras.  Je revois ce jour où arriva la dépanneuse pour la tirer de là et l'emmener à la réparation.  Mon père avait endossé cette longue blouse grise qu'on appelait un "pare-poussière" et, une fois les pneus regonflés, s'était mis au volant de la vieille Renault qui n'avait même pas connu le "gazogène".  Tirée par un cable, elle retrouvait le grand jour après toutes ces années et nous, les enfants, la regardions partir avec infiniment de regret...
Vers la fin de la guerre (ou tout de suite après, je ne me souviens plus) eut lieu la "mission" de Notre Dame de Boulogne.  Une grande statue de la Vierge à l'Enfant, debout dans une barque, était processionnée dans toutes les rues et dans la campagne environnante.  Le char était tout fleuri de roses blanches et les petites filles en portaient des courronnes.  Après avoir vécu si longtemps dans l'angoisse et la peur, c'était un élan de ferveur et de gratitude quasi-général de la population. 
Les traditionnelles processions de la Saint-Martin reprirent également.  J'y accompagnais mon père et ça m'impressionnait beaucoup, surtoût les scouts qui faisaient le service d'ordre et formaient une haie d'honneur portant drapeaux et bannières. 

Grand Saint Martin, Apôtre de nos pères,
Nous implorons aujourd'hui ton secours.
Reçois nos voeux, accueille nos prières,
Sauve la France et garde-là toujours.

Ce cantique martinien était chanté à pleine voix tout au long du parcours entre la basilique et la cathédrale et au final retentissait sous les voûtes gothiques de Saint Gatien avant le panégyrique d'usage.
Les affaires (sans guillemets) avaient repris aussi et pour certains la fin de la guerre avait sonné le glas du "marché noir" . Il y eut un peu de chasse aux sorcières pour l'exemple mais il arriva aussi que l'on se trompât de cible ... C'est ainsi que, dénoncé par une lettre anonyme, mon père reçut un jour la visite de deux inspecteurs, révolver au poing s'il vous plait, pour contrôle de son activité. Ce fut pour lui un choc terrible que de se voir suspecté de traffic alors qu'il était du nombre de ceux que la guerre avait ruiné et non le contraire. Les deux sbires fouillèrent partout pendant deux jours. Livres de comptes, classeurs, coffres, tiroirs, armoires, panderies, buffet, placards, tout absolument tout y passa, de la cave au grenier. Ils étaient tombés en arrêt sur une sortie de caisse portée en "don" au nom de Loutil.  Or Loutil était le véritable nom de Pierre Lermite, un ecclésiastique qui faisait édifier à Paris l'église Sainte Odile, patronne de l'Alsace dont il était originaire.  Ayant appelé leur dernière fille de ce prénom, mes parents lui avaient fait don d'une somme d'argent qui pouvait être relativement importante pour l'époque, leur pierre qu'ils apportaient à l'édifice.  Un gros sacrifice j'imagine en ces temps difficiles.  Que ces deux hommes pas spécialement "catholiques" sachent celà avait sidéré mon père.  Enfin convaincus, les deux inspecteurs conclurent qu'il n'était pas un gangster et avait été calomnié.  Ils lui présentèrent quand même leurs excuses et tournèrent les talons sans qu'il ait pu trouver un seul mot à dire, tout pâle et la langue comme du plâtre. Il lui fallut du temps pour s'en remettre.  Qui avait été le "corbeau" ?... On ne le sut jamais ... Jalousie et délation allaient souvent de pair en ces temps là.  Sale époque au demeurant.
Avant de se marier ma mère avait été institutrice libre.  C'était au temps de cette loi dite de "séparation" qui fit au demeurant beaucoup de mal. Intelligente et aimant l'étude elle fut proposée pour l'Ecole Normale où, assurément, elle aurait réussi d'emblée.  Malgré l'insistance de l'inspecteur académique qui alla jusqu'à rendre visite à ses parents dans leur petit village, elle refusa par attachement à ses convictions.  Cette attitude, alors qu'elle était encore très jeune, la caractérise bien : rigoureuse moralement pour elle même comme pour les autres, elle le fut toute sa vie. Avant moi elle avait appris à lire, écrire et compter à mes cinq soeurs, l'une d'entre elles fut capable de lire dans le journal à cinq ans  et il faut croire que la méthode d'antan dans le vieil abécédaire tout rapiécé avec du papier collant n'était pas si mauvaise... 
Je fus donc le dernier petit élève de ma mère avant de faire ma rentrée scolaire en 46.
         

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